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Par philippedester le 14 Décembre 2023 à 18:22
Jérôme Colin est journaliste à la RTBF où il anime "Entrez sans frapper" et "Hep taxi".
En 2019, j'ai lu et adoré "Le champ de bataille" qui mettait en scène un adolescent.
Ici, c'est à nouveau un ado, Jérôme (tiens donc) qui est au centre du récit, un ado mal dans sa peau, un ado qui ne trouve pas sa place, qui cause énormément de problèmes à ses parents.
C'est une page de sa vie que le journaliste raconte ici et je trouve ça assez courageux de parler de son adolescence difficile.
Jérôme a été placé dans un établissement et là, il va faire une rencontre qui va le bouleverser et changer sa vie : Colette est une ado qui se sent aussi mal que lui, qui a fait plusieurs tentatives de suicide. La seule chose qu'elle veut, c'est rester dans ce centre, et cette autorisation lui est refusée. Elle décide donc d'en finir une bonne fois pour toute.
Le gamin tombe instantanément amoureux de cette fille différente des autres qui se demande ce qu'elle fait sur terre. Son rêve : l'emmener loin de là, vivre heureux avec elle, mais les rêves ne se réalisent pas toujours...
Je me suis senti très proche de ces ados, Jérôme comme Colette, même si mon adolescence (qui commence à dater !) s'est passée sans problèmes. C'est peut-être maintenant que je me pose les mêmes questions qu'eux !
Un livre court que j'ai lu en une journée, un livre que j'ai eu à prêter et c'est dommage, car j'avais envie de souligner pas mal de passages qui m'ont touché ou qui ont attiré mon attention.
Je vais essayer d'en retrouver quelques-uns :
Après la mort de son chien :
" On ne sait jamais vraiment dans quoi on s'aventure. Chaque geste posé est un engagement dont on ignore les conséquences. Or, dans la vie, il faudrait pouvoir accepter les transactions en connaissance de cause. Etre informés de la dose de chagrin que chaque décision va engendrer. Mais ça ne marche pas comme ça."
Réponse à sa femme qui veut un enfant :
"Un enfant ne devient jamais exactement ce que tu espérais de lui. Ça pousse de travers, ces choses-là. Et il sera peut-être malheureux aussi. Ou malade. Ou ce sera un monstre. Les monstres aussi ont une mère...
Tu voudras réaliser l'impossible. Le protéger du monde. Tu passeras ta vie à tenter de tout contrôler pour qu'il ne tombe pas, pour qu'il reste debout. Mais tu ne seras pas toujours là...
Avoir un enfant, c'est accepter de vivre dans la peur pour le restant de tes jours...
Et puis, un jour, il te dira qu'il t'aime mais qu'il part quand même. Il t'appellera de moins en moins souvent. Il ne comprendra pas ce qu'il doit faire avec cette vie que tu lui as donnée..."Je précise que Jérôme Colin a quand même 3 enfants et que ses propos viennent de sa propre expérience en tant qu'ado.
De ses camarades de "détention" :
"Je les jugeais. Parce que j'ignorais tout. "
Sur lui :
"Sans le shit, j'étais une proie facile pour les monstres. Je savais qu'au moment de fermer les yeux, ils allaient débarquer en meute. J'ai laissé la lampe de chevet allumée, je me suis assis au bord du lit. Et j'ai pleuré sur mes quinze ans...
Je ne voulais pas grandir. Parce que je ne comprenais pas pourquoi il fallait le faire. Parce qu'on me disait que devant il y avait les problèmes de fric, le travail qui emprisonne et les factures à payer. Qu'il y avait la planète en souffrance, le monde affamé, la guerre qui pointait. Alors, pourquoi voulaient-ils que je quitte mon enfance pour l'avenir effroyable qu'ils m'annonçaient.""J'ai détesté l'école parce que je maudissais ce qu'elle me promettait... A l'école, on m'avait toujours dit de me taire... A respecter les règles sous peine d'être sanctionné... Pour la première fois, on me demandait d'expliquer comment j'allais. Comment ce monde m'affectait. On ne me disait pas "arrête", on me disait "explique". "
Colette :
"Etre dépressif, c'est être incapable de se lever le matin, c'est ne pas connaitre l'insouciance et devoir résister continuellement à ses pulsions de mort. C'est vivre sans estime de soi. C'est faire semblant tout le temps."
"La vraie question dans ce monde n'est pas de savoir pourquoi je veux mourir. Mais pourquoi tout le monde veut vivre."
Sur Colette :
"Elle était là parce qu'elle était incapable d'appartenir au monde. Qu'elle ne comprenait pas ce qu'elle allait pouvoir faire de cette vie qu'on lui avait donnée, où chaque jour paraissait une éternité. On ne peut pas jouer à vivre quand on pense qu'il faut réparer le fait d'être né. Elle s'en voulait de ne pas s'en sortir. Elle se haïssait..."Sur lui :
"J'ai appris ce jour-là ce qu'il en coute de s'attacher aux autres. Et je me suis promis qu'on ne m'y reprendrait plus. Je savais désormais qu'après la tendresse il y avait toujours l'abandon."
Un livre qui, peut-être, peut donner un autre regard sur le monde des ados, leur détresse souvent inexpliquée, leurs actes tant décriés, leurs peines, leurs difficultés à vivre dans ce monde pas toujours très accueillant.
Ecouter ce que l'ado a à dire. Je crois que c'est le mot d'ordre. Ne pas juger trop vite. Ne pas donner des ordres sans explications sur le pourquoi...
Je recommande la lecture de ce bouquin à tous.
3 commentaires -
Par philippedester le 5 Décembre 2023 à 07:21
Voilà encore une auteure belge que je ne connaissais pas. C'est, une fois de plus, chez Oxfam, que j'ai découvert "Si tu passes la rivière", un premier roman réussi.
Je dois dire que j'ai été un peu déconcerté par le style de l'auteure en début de récit. Il faut dire que le héros du livre, François, est un jeune garçon illettré et c'est lui le narrateur de sa propre histoire.
L'auteure ne précise ni le lieu ni l'époque pendant laquelle se déroule le récit. Le lecteur n'apprend l'âge du garçon, 17 ans, qu'à la fin du livre. Je le croyais plus jeune.
J'ai eu beaucoup d'empathie pour ce jeune homme qui a perdu les deux femmes de sa vie : sa mère, peu après sa naissance, et sa sœur qui a remplacé sa mère jusqu'au jour où elle a fui le domaine familial.
François vit avec son père, un rustre, qui manie la ceinture dès que François pose une question sur sa mère où ce qu'on peut voir de l'autre côté de la rivière et ses deux frères (un troisième est mort et le lecteur apprendra la cause de sa mort bien tard).
François garde les cochons et en fait ses amis. Le petit n'a personne à qui parler. Il se confie donc à ses cochons...ainsi qu'à Roger, le prêtre de la paroisse.
François est bien différent des autres membres de la fratrie et part à la recherche de réponses sur son existence.
Petit à petit, il déroule le fil de sa propre vie...
L'auteure parle de l'accession d'un être à la conscience de soi, du rôle des figures maternelles, de la place essentielle de la culture et de la littérature, des secrets bien enfouis qui sont comme une bombe lorsqu'ils apparaissent au jour...
J'ai eu du mal à entrer dans le récit, mais j'ai fini par beaucoup aimer ce roman, très court, lu en une journée.
PS Ce livre m'a fait un peu penser au roman de Cécile Coulon : "Une bête au paradis".
3 commentaires -
Par philippedester le 26 Novembre 2023 à 21:17
Depuis que j'ai rencontré Nicole Nisol à une foire aux livres voilà quelques années, j'achète tous ses livres. Ce sont des longues nouvelles ou de courts romans, c'est comme vous voulez.
Nicole Nisol a une plume que j'apprécie quel que soit le sujet qu'elle aborde.
Un vent venu du fin fond des mines du Borinage a soufflé sur sa dernière nouvelle qui a reçu le Premier Prix de la Nouvelle à Dour il y a peu de temps. Son héroïne vide la maison de sa grand-mère Henriette. Cette dernière atteinte de la maladie d'Alzheimer a dû être placée dans une maison de retraite. Pour pouvoir payer son placement, sa petite-fille est obligée de vendre la maison de l'aïeule.
Elise vide donc la maison et trouve un cahier qui a appartenu à sa grand-mère. Celle-ci a écrit le journal de sa vie, le travail dans les mines du Borinage, la disparition de sa sœur dont elle a toujours porté le deuil,...
Porté par une plume légère et douce, la vie d'Henriette se dévoile petit à petit...
Vous trouverez tous les livres de l'auteure sur le site de "Un livre en papier".
PS pour ceux qui se demandent ce qu'est une "gaillette", c'est un morceau de charbon noir chez nous
2 commentaires -
Par philippedester le 19 Novembre 2023 à 21:44
Tout d'abord, je remercie les éditions Quadrature pour l'envoi de ce recueil de nouvelles.
"La végandelle", un titre qui intrigue. Il faut pourtant attendre la dernière nouvelle dont c'est le titre pour découvrir cette nouvelle spécialité issue de la tête de l'auteur.
Laurent Bayer est politologue de formation. Il a aussi traduit des romans graphiques et des albums de jeunesse. Il puise son passe-temps de prédilection dans "l'observation socio-anthropologique", c'est dire s'il connait le genre humain. Cela se traduit évidemment dans ces 10 nouvelles assez longues (je préfère les textes d'une certaine longueur afin d'avoir le temps de m'identifier aux personnages) dans lesquelles l'humour est présent.
Laurent Bayer affirme d'ailleurs que "l'homme du XXIe siècle sombrerait dans le désespoir le plus noir s'il était privé de ce remède disponible sans ordonnance qu'est l'humour". Et c'est surtout cet humour qui m'a fait apprécié les textes de l'auteur. J'ai souri à plusieurs reprises, ce qui est plutôt rare au cours de mes lectures.
Merci pour cela, Monsieur Bayer.
Il est toujours difficile de parler de nouvelles. Un lecteur préférera celle-ci; un autre, celle-là. On les trouvera toujours de qualité différente.
Je dirais donc simplement que l'auteur emmène ses lecteurs dans l'intimité de Bruxellois qui ont un projet qui n'aboutira pas nécessairement. Eh non ! Les "végandelles" ne se vendront pas ! Mais que sont-elles? me demanderez-vous. Il suffit de penser aux fricadelles qu'on trouve dans les friteries (faites avec quoi, on se le demande) et au mot devenu maintenant si courant "végan". Mais ce recueil ne se limite évidemment pas à cette nouvelle (qui n'est d'ailleurs, pour moi, pas la meilleure).
Envie de lire et de sourire? Lancez-vous sur ce recueil. Je suis sûr que vous ne le regretterez pas.
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Par philippedester le 13 Novembre 2023 à 13:00
Je trouve souvent des livres d'auteurs belges chez Oxfam. Je ne connaissais pas Christina Moreau, son roman m'a attiré.
Si vous aimez la musique, le violoncelle, Vivaldi et ses sonates, ce livre est fait pour vous.
Si vous aimez Venise et son histoire, ce livre est fait pour vous.
Le roman est subdivisé en deux parties qui s'entremêlent : Seraing (Liège) à notre époque après le démantèlement de l'usine Cockerill et Venise à l'époque de Vivaldi.
Kevin est un jeune garçon secrètement amoureux de Lionella, 17 ans, d'origine italienne, qui ne vit que pour son violoncelle. Elle va participer au prochain concours Arpèges, mais voudrait trouver une partition originale.
A une brocante, Kevin découvre un coffre qui contient une partition, une médaille coupée en deux et un cahier. Il l'achète et en fait cadeau à son amie.
Lionella en est sûre : cette partition est l'oeuvre de Vivaldi; il doit s'agir d'une partition oubliée ! C'est cette musique qu'elle jouera pour le concours...
Elle se met à lire le carnet qui accompagne la partition : c'est le cahier intime d'une jeune fille qui a vécu au XVIIIe siècle à Venise, une élève de Vivaldi (tiens, je ne savais qu'il était prêtre ! ). Elle va alors plonger dans le destin d'Ada, cette orpheline, pensionnaire de l'Ospedale della Pietà, établissement dans lequel Vivaldi enseignait la musique à des âmes dévouées, des orphelines musiciennes, virtuoses très réputées, mais enfermées pour toujours dans l'anonymat.
Lionella veut faire sortir Ada de cet anonymat et quand Lio veut quelque chose, rien ne l'arrête...
Un premier roman plaisant, une plongée dans le monde de la musique et dans l'histoire de la Sérénissime...
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